Parcours de vie d’un couple de paysans du Tarn, sur les coteaux du Lauragais, qui a peu à peu cheminé vers l’agriculture biologique, pratiquant la polyculture élevage pour maintenir la qualité de ses sols et produire de miraculeuses tartelettes.
Émission du 25 octobre 2022
résumé de l’émission
Auteur : Frédéric Denhez
Une vie en bio
Contaminés au bio
Il y a des vies qui sont l’histoire. Celle du bio. Celle des époux Valette, aujourd’hui à la retraite. Michel et Annie ont commencé leur vie agricole dans les monts du Forez, du côté d’Ambert. De la forêt, des landes à myrtilles, des marais à triton, de la brume et de la Fourme, le pays est beau, vide et touffu, âpre en hiver. En s’y promenant au mois de novembre, on ressent vite qu’ici, il y a bien 12 000 ans, il y avait des glaciers. Entre 1000 et 1400 m, les deux Valette ont élevé des chèvres pour faire du fromage. « Mais on devait acheter des céréales pour les nourrir, ça ne nous allait pas, » car ils cherchaient l’autonomie, selon eux inséparable d’une production de qualité.
Après onze années passées dans ces hauteurs, ils en redescendent, un peu fatigués. Ils arrivent dans le Tarn, sur la commune de Puylaurens , au coeur du pays de Cocagne. Attention : ce n’est pas le paradis terrestre où la manne divine tombe du ciel, c’est le pays de la coque, cette boule constituée des feuilles broyées de Isatis tinctoria, qui donne le pastel après fermentation. Lequel piment bleu a fait la richesse du pays et les grandes familles de Toulouse. Les deux Valette trouvent là la qualité de vie qu’ils recherchaient. Ils vont y rester jusqu’en 2017. « On voulait du travail partagé, des week-ends, des vacances… le droit d’être malade ! » Ils ont obtenu tout cela en développant, avec un autre couple de paysans, un important élevage de chèvres. Tout ? Il a manqué l’essentiel, l’autonomie : « on était devenus productivistes, comme les autres. ». Alors, après cinq années d’agriculture de groupe, ils sortent de l’association pour suivre un autre chemin .
Encouragés par un voisin, ils se mettent à pratiquer une polyculture-élevage (certifiée bio) sur leur ferme de 50 ha. Elle leur permet à la fois l’autonomie tant recherchée et la valeur ajoutée qui fait d’ordinaire défaut : « on a arrêté les chèvres pour élever des vaches allaitantes, on a produit des céréales, des légumes secs, des fruits, des farines car on avait un moulin, et des pâtisseries. » Des biquettes, ils passent aux tartelettes et parviennent ainsi à l’équilibre économique, par un système malin de transformation à partir des matières premières qu’ils produisent.
La ferme nourrit la ferme
La ferme nourrit la ferme, presque tout y est valorisé : les vaches mangent l’herbe, l’herbe est transformée en viande, les bouses nourrissent le sol, le sol produit des céréales et des fruits, Michel fait de la farine, Annie des pâtisseries qu’elle vend sur le marché. Et la boucle est bouclée. Tout est dans tout, tout sert à tout, les Valette ont chez eux mis en place un écosystème complet où tout profite du reste.
« Auparavant, on achetait des intrants, désormais rien ne rentrait plus de l’extérieur, si ce n’est le gasoil, et le sel pour les tartelettes. On allait vendre sur trois marchés par semaine, on faisait de la viande en colis et le reste de la farine partait chez le boulanger du coin. » Farine que Monsieur moulait lui-même dans un moulin « Astrié », entendu qu’il est toujours un des rares artisans à savoir « rhabiller » une meule de pierre : Michel Valette est, dans son genre, un accordeur de piano.
De l’herbe et des bêtes pour améliorer la terre
Michel et Annie comprirent qu’en système bio où l’on n’a pas le droit d’utiliser d’engrais minéraux ni d’herbicides, la seule façon d’apporter des fertilisants et de lutter contre les adventices c’est de couvrir les sols entre les cultures, par exemple avec des légumineuses, et sur des rotations longues. « 9 ans ! Prairies artificielles, luzerne et sainfoin, puis blé ou maïs, puis lentilles ou pois carré. » Le fameux pois carré, ou gesse commune, variété ancienne locale que les époux Valette ont largement contribué à remettre au goût du jour et à sauvegarder. Les plantes de couverture finissaient leur vie dans la panse des ruminants, et le cycle était complet.
Et ces vaches et ces veaux rendaient beaucoup de ce qu’elles avaient pris au sol en pâturant : en plus de fabriquer des protéines à partir de la cellulose des plantes, elles déposaient des bouses. Cela, et puis un peu du fumier de cheval de la voisine qu’ils mettaient à composter, constituait une riche matière organique dont les sols des Valette ont bénéficié, dans un pays de Cocagne où les terres, dévouées à la céréale, en manquaient beaucoup
« On a ramené de l’azote dans le sol, ça, c’est sûr ! », grâce à la polyculture élevage. « Le problème, c’était le salissement [les « mauvaises herbes », les adventices] : on pouvait les tolérer, mais sans qu’elles dépassent les cultures. Alors fallait herser, biner. Avec le climat, ça s’aggrave. Ça peut entraver le développement de la bio car il y a des sols où on peut se laisser envahir » même si les vaches, les chèvres ou le mouton sont là, plus efficaces et moins chers que les faucheuses et les broyeuses mécaniques. D’où l’importance des couverts et des rotations longues. « Il y a un autre intérêt à la polyculture-élevage : sans elle, les paysages se referment, ce qui les offre à l’incendie. »
Manger de la viande et des tartelettes, c’est un peu faire de l’agronomie.
invités
Michel Valette
Agriculteur bio du Tarn, céréalier et éleveur du Lauragais, Michel Valette a bâti son projet agricole autour des circuits courts et de la valorisation optimale des productions de la ferme. Situé en terrain de coteaux, en zone céréalière, producteurs de blé transformé en farine et en tartelettes, il a vite compris que son système ne serait pas viable sans l’apport de matière organique par des animaux.
Après avoir élevé des “biquettes” en revalorisation fromagère durant 15 ans en zone de montagne, Michel & Annie Valette changent de région pour de nouvelles structures et un nouveau lieu de Vie : le Tarn.
Agriculteur” pionnier” en bio/ Nature & Progrès dés 1991 dans le Tarn sur une ferme de 50 ha en polycultures élevage dans la région du “petit lauragais”, Michel et sa femme Annie ont affiné leur projet en cherchant le maximum d’autonomie de la ferme tout en transformant et valorisant leurs productions grâce à la vente directe .
Leur ferme située dans les coteaux argilocalcaire avec production de blés paysans, maïs, fruits qui sont transformés en farines puis en tartelettes sucrées et salées. Les légumes secs sont vendus au détail et les luzernes, sainfoin, sorgho fourrager, prairies naturelles sont valorisés par un troupeau de vaches allaitantes (race Aubrac) et la vente directe de viande de veaux. Les rotations des cultures , des prairies, la présence du cheptel (compost) permet à cette ferme de tendre vers l’équilibre sans l’achat d’intrants extérieurs ..
Très engagés au sein de Nature et Progrès Tarn, ils ont soutenu aussi bien de nombreuses actions en faveur de la BIO. Ils ont été des luttes locales, soutenant l’opposition au projet de Sivens. Ils ont collaboré à la réalisation de la foire annuelle de Biocybele, à la mise en place des marchés “Noctambio “(Albi, Castres, Gaillac ), et du “petit salon du vin Bio”à Gaillac ..
Ils ont tout fait pour rester ” Nature” sans jamais oublier de Progresser ! ( jusqu’à la retraite !!)
Annie Valette
Michel ne va pas sans son Annie, sa Directrice comme il l’appelle.
Tous les deux font une sacrée paire. Et dans l’histoire Annie c’est la magicienne transformatrice. Du lait de chèvre elle fait des fromages. De la farine de blé elle fait des tartelettes qui régalent des générations de gourmands. Salées ou sucrées, elles sont une explosion de saveurs. Annie dans l’affaire c’est l’artiste des gouts, celle par qui le produit devient une fête des papilles et une production qui valorise la production de la terre.
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