25 janvier 2022

Les nématodes, bio-indicateurs de la santé des sols

Bactérivores, fongivores, prédateurs, phytophage… Avec plus d’un million d’individus par m² présents dans tous les milieux, les nématodes ont beaucoup à nous apprendre sur le fonctionnement biologique des sols.

Émission du 25 Janvier 2022

Résumé de l’émission

En janvier 2022, la coopérative Rhizobiome n’a rien trouvé de mieux que d’offrir à son public des nématodes en guise d’étrennes. Un beau cadeau pour bien démarrer l’année emballé par Camille Chauvin, ingénieur de recherches à la société Elisol environnement.

Le nématode est un ver, mais ce n’est pas un ver de terre. D’abord, il est moins long, ensuite il n’est pas compartimenté comme une rame de chemin de fer. Et puis, il ne dispose ni de quoi respirer, ni de sang : chez le nématode, tout passe par la peau. Par contre, il est protégé par une cuticule du genre de celle des insectes. Enfin, le nématode est accusé d’être essentiellement parasite, ce qui lui interdit la noblesse à laquelle le ver de terre a pu enfin prétendre, grâce aux efforts de Charles Darwin, Marcel Bouchet et Daniel Cluzeau. D’ailleurs, ce sont bien des ascaris, des nématodes, qui ont fait mourir Louis XIII dans de grandes souffrances.

Parasite, oui mais : le nématode sait aussi parasiter d’autres parasites. Le ver rond, comme on l’appelle également, est certes un tout petit bonhomme de moins d’1 mm qui peut gêner des plantes ou des animaux. Mais ce comportement n’est pas le fait de la majorité des 27 000 espèces identifiées – il y en aurait au moins 1 million, des chercheurs avancent même le chiffre de 100 millions ! Les nématodes dits « libres », c’est-à-dire qui n’exercent aucun talent de parasite, jouent un rôle déterminant dans l’équilibre des forces de cet écosystème complexe qu’est le sol. C’est ce qu’a démontré son plus énergique ambassadeur, Camille Chauvin qui a voué sa vie professionnelle à défendre l’honneur du nématode.

« Ce sont les seconds de cordée ! » nous dit-il. Les premiers sont les bactéries et les champignons, que les nématodes mangent à longueur de journée. D’où leur rôle de grand ordonnateur écologique de la population microbienne, dont dépend la fertilité de nos terres et ce, partout, dans tous les sols. « Dans 1 m² on en retrouve 1 million, répartis sur 1 000 espèces. » Beaucoup digèrent les micro-organismes précités, d’autres ont à leur menu traditionnel des protozoaires, des acariens ou carrément des nématodes. Certains se reproduisent énormément parce qu’ils sont plutôt de nature colonisatrice, alors que d’autres font peu d’œufs parce que ce sont des compétiteurs acharnés. « Tous ces critères permettent de séparer les nématodes pas uniquement en espèces, également en groupes fonctionnels. Plus il en existe dans un échantillon de sol, meilleure est la qualité de celui-ci. »

La terre testée est placée dans une colonne d’eau. Elle se dépose au fond tandis que les nématodes vont gagner la surface où ils se tortillent. Camille Chauvin récupère tout ce qui flotte qu’il dépose ensuite sur un tamis. Dessous, il y a une coupelle d’eau propre. Elle attire les nématodes qui se regroupent dans ce qui doit être une piscine à leur taille.  « Alors, on peut les observer à la loupe binoculaire et au microscope pour les identifier et les classer en groupes fonctionnels. » La structure de l’œsophage ou la forme du sexe sont des déterminants de l’espèce. Il faut avoir des yeux perçants. L’analyse dure une semaine. À l’issue, « on fournit un graphique du genre des tests du labo de la Fnac, en toile d’araignée. » Six paramètres, six fonctions : régulation des pathogènes, transformation du carbone… Aussi, une barre indique le niveau d’activité biologique, entre 0 et 20. En gros, plus il y a de nématodes à rôles différents, plus complexe est le réseau alimentaire de l’échantillon de sol, mieux c’est pour l’agriculteur. 

Invité

Camille CHAUVIN

est ingénieur de recherche et responsable de formation à ELISOL environement. Docteur en agro-écologie, Camille a réalisé des études pour évaluer les effets de l’utilisation de plantes de services sur les fonctions écologiques et les communautés de nématodes du sol. Au sein d’ELISOL environnement, il est impliqué dans les projets de bio-indication de la santé des sols par l’analyse de la nématofaune, les méthodes d’interprétation et le développement des formations.

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